Un regard sur le milieu carcéral en Haïti en prélude au 14e festival quatre chemins 2017
« Enfermé-e-(s) et Libéré-e(s) », c’est le titre de l’exposition que présente l’Association Quatre Chemins (A4C) en collaboration avec le Bureau des Droits Humains en Haïti (BDHH) et dont le vernissage a eu lieu ce Lundi 6 Novembre 2017. Dans le cadre de son festival annuel et en amont de celui-ci, l’A4C propose tout un mois de réflexion sur la question carcérale en Haïti au cours duquel il y aura, entre autres, conférences, pièce de théâtre et documentaire. « Prison éternellement préventive », pont jeté entre celui qui veille sur l’humanité de chaque Haïtien et celui qui s’occupe à en faire sortir le beau, est un projet qu’ont soutenu l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), ONUFEMMES et FOKAL.
Des marionnettes et des portraits exposés à tous dans une scénographie signée Guy Régis Jr, pour rappeler à quel point la vie peut être insupportable à l’intérieur de ces murs. Un travail qui ne se contente pas de dévoiler au grand jour le savoir-faire et le talent d’un ancien détenu et d’une juriste mais qui a su leur servir de cure, en ce sens qu’ils y ont mis leur âme et leur cœur et qu’il leur sert à exprimer tout ce qu’ils ont personnellement vécu ou vu de part et d’autre. Paul Junior Casimir dit Lintho, en fabriquant ces marionnettes en si peu de temps après sa sortie de prison, nous livre les courbatures et les différents malaises qu’il récoltait pour passer ses journées dans les boîtes de sardines qui leur servent de cellules. Pauline Lecarpentier, elle, en faisant le portrait des incarcérés que le BDHH parvenait à faire libérer, ne fait pas qu'exercer ses talents de dessinatrice mais conserve les traits de ceux dont elle a partagé les heures noires pour que ces derniers toujours lui rappellent qu’elle n’a pas fini de travailler.
« […] mwen la depi 8e mwa 2008 mwen pa gen pèsòn ki pou edem […] » Ce sont là les mots que Labonté Marcel adressait au commissaire de Port-au-Prince au 9e mois de l’année 2017. C’est avec de l’émotion dans la voix que la juriste-dessinatrice nous lit son message, juste avant de nous apprendre que jamais plus il ne pourra se faire aider. Il a perdu sa seule chance d’être écouté par un juge. Grève de greffiers au moment où son dossier a été déterré, avant que « ces murs ne deviennent sa tombe ».
Ce Lundi, le public n’a pas uniquement vu de l’art ; il a pris le temps de regarder la misère souvent accompagnée de désespoir de nos détenus, d’y participer, d’écouter des témoignages vivants pour se laisser envahir par l’émotion que connaissent nos frères emprisonnés. Quel meilleur moyen existe-t-il pour bien saisir toute l’horreur de cette réalité autre que se le faire présenter par les protagonistes eux-mêmes ? Comment travailler à l’éradiquer sinon aider ces derniers à faire le point pour ensuite travailler de concert avec eux ?
L’Institut Français d’Haïti (IFH) a donc reçu un public à l’oreille attentive aux marginalisés de la société auxquels les deux institutions précitées ont prêté voix. La soirée s’achève sur des verres de vin accompagnés de quelques sabliers qui l’écoutaient échanger ses idées.